Clarisse Massaloux, avocate indépendante en droit des affaires / Grégoire Charlet, avocat indépendant en Restructuring / Entreprises en difficulté
Mon entreprise n’est pas au top de sa forme mais j’ai tout de même besoin de continuer à conclure des contrats, comment fais-je pour rassurer mes fournisseurs ?
Quand votre entreprise ne va pas au top et qu’un besoin de financement externe est présent, le plus souvent vos cocontractants vont vous demander de mettre en place des outils sécurisant leur créance. Quels sont ces outils ?
➢ le gage « classique », c’est-à-dire le gage de meubles : le gage de meubles c’est un contrat que vous signez avec votre co-contractant (votre fournisseur, par exemple) pour lui assurer que sur les meubles concernés par ce contrat, c’est lui qui sera payé en premier lorsqu’ils seront vendus.
En bref, vous accordez à ce cocontractant une priorité par rapport aux autres, ce qui le rassure sur le fait que la créance qu’il détient vis-à-vis de votre entreprise sera effectivement payée et que le risque attaché à ce contrat de fourniture est grandement diminué.
La mise en place de gage de meubles peut vous paraître enquiquinante mais est parfois utile pour les rassurer et donc les convaincre de continuer à faire du business avec votre entreprise.
➢ Le « gage sur stocks » : le gage des stocks est un outil que les établissements de crédit (en bref, les banques) peuvent vous demander de mettre en place. Il en existe deux formes : avec dépossession et sans dépossession.
En bref :
- le gage sur stocks avec dépossession : on prête des sous à votre entreprise et vous mettez de côté des stocks en garantie du remboursement de cette dette.
- le gage sur stocks sans dépossession : on prête des sous à votre entreprise, vos stocks continuent à être utilisé pour votre activité (entrée et sortie de biens depuis les stocks) mais doivent conserver la même valeur que celle initiale, sinon la banque pourra vous réclamer de toute rembourser tout de suite.
➢ Le nantissement : le nantissement est un contrat par lequel on place en garantie du bon paiement d’une créance ou de la bonne exécution d’une obligation un bien appartenant à votre entreprise : des créances qu’elle détient, la marque de votre entreprise si elle en a une, un brevet dont elle dispose, un compte bancaire, etc. Vous pouvez même accorder un nantissement sur le fonds de commerce de votre entreprise. :
Il existe également d’autres « outils » qui peuvent être mise en place pour assurer le bon remboursement (hypothèques, cautionnement, etc.).
Ok, mais les faillites repartent à la hausse donc j’ai peur que même ces outils ne les rassurent pas. Qu’est ce que je peux dire pour les convaincre ?
Bien sûr, la possibilité que votre entreprise, à cause des difficultés que rencontrent votre secteur par exemple, se retrouve en procédure collective (sauvegarde, redressement judiciaire ou liquidation judiciaire), ça ne vous aide pas à signer des contrats ou à obtenir des financements.
Cependant, les créanciers titulaires de sûretés (qui ont donc mis ces outils en place), ceux qu’on appelle les « créanciers privilégiés », sont bien mieux protégés que les autres.
En effet, les règles du Code de commerce relatives aux procédures collectives les protègent beaucoup plus que les autres :
- Les créanciers privilégiés sont bien mieux placés que les autres dans l’ordre de désintéressement des créanciers, c’est-à-dire qu’ils sont remboursés avant les autres créanciers qui n’ont pas de privilèges ;
- En cas de plan de cession, si l’un ou plusieurs des biens couverts par ce privilège fait partie du plan de cession, alors une partie du prix de cession leur est forcément reversée ;
- Encore plus protecteur, si un privilège est accordé par l’entreprise débitrice à un créancier pour garantir le remboursement d’un crédit, et bien cette sûreté est maintenue même en cas de plan de cession.
Vos co-contractants privilégiés sont donc mieux protégés que les autres même si vous tombez en procédure collective.
Et bien sûr, si vous souhaitez encore mieux vous protéger et ne pas impacter votre business mais que votre activité traverse des difficultés, agissez dès que possible pour vous protéger grâce aux procédures amiables notamment (cf. article LinkedIn du 6 février 2023).
Mes clients ne me règlent pas et je ne sais pas s’ils ont suffisamment de sous, que puis-je faire ? Et quelles sont les avantages de ces outils juridiques ?
Les différentes sûretés développées ci-dessus peuvent être mis en place avant tout contentieux (c’est-à-dire, un procès).
Si votre cocontractant ne vous règle pas, il faut vérifier s’il a suffisamment de sous pour vous régler. Si vous avez un doute, il est possible de mettre en place plusieurs sûretés avant toute procédure qui vous permettra de vous protéger davantage face à une éventuelle procédure collective.
Cette demande de sûreté peut s’effectuer par voie de requête auprès du président du tribunal judiciaire compétent ou auprès du président du tribunal de commerce
La demande porte sur deux conditions cumulatives :
• l’une tenant à l’existence de cette créance et
• l’autre sur les difficultés financières de la société débitrice..
Obtenir une telle sûreté nécessite d’assigner le débiteur dans les semaines qui suivent sa mise en place afin de recouvrer les sommes dues.
L’intérêt de cette procédure ?
Le débiteur ne pourra pas vraiment faire en sorte que le contentieux dure longtemps.
De même, la sûreté obtenue pourra vous permettre de demander la liquidation forcer de la société afin d’obtenir le paiement de vos sommes.
Les sûretés sont inscrites au Kbis et viennent donc compliquer la relation commerciale de la personne concernée : obtenir une sûreté vous permettra donc de favoriser un règlement amiable plutôt qu’un long contentieux, ce qui permettra à votre débiteur de supprimer la mention de cette sûreté.
Et si par extraordinaire, votre débiteur se retrouve en procédure collective, votre statut de « créancier privilégié » vous permet d’être plus haut dans le rang de paiement des créanciers.
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Clarisse Massaloux | Grégoire Charlet |